Une récente publication de l’ADEME permet de mesurer les effets du tourisme personnel et professionnel sur le climat dans le périmètre français. Selon cette étude, la mobilité est le premier poste d’émissions de GES, quel que soit le motif de déplacement. Ceci étant dit, l’intensité carbone des nuitées du tourisme professionnel est supérieure. En outre, l’ADEME propose plusieurs pistes de réduction de l’impact du tourisme sur le climat qui s’articulent autour de trois axes: la sobriété, l’efficacité énergétique, et la décarbonation de l’énergie.
Une étude inédite au périmètre élargi
Comptant pour 7.4% du PIB du pays, le tourisme est incontestablement l’un des secteurs les plus stratégiques pour la France. En effet, avec près de 90 millions de touristes internationaux en 2019, le pays est la première destination touristique au monde [1]UNWTO. World Tourism Barometer. 2021 mai.. Mais quelles sont les conséquences de cette activité sur le réchauffement global, et quelles sont les pistes pour réduire cet impact ? L’ADEME a récemment publié un rapport décrivant le Bilan GES du secteur du tourisme en France. Dans le périmètre de l’étude, l’ADEME inclut le tourisme réceptif et interne en France, c’est-à-dire les séjours d’étrangers en France aussi bien que les séjours de Français en France. Elle distingue en outre les touristes et excursionnistes[2]Voyageurs qui se déplacent à plus de 100km de chez eux et font l’aller-retour en une journée qui voyagent pour des motifs personnels, de ceux qui voyagent pour des motifs professionnels.
Dans son analyse, l’ADEME a inclus toute la chaîne de valeur de l’activité touristique, ce qui implique la prise en compte du transport des touristes, mais aussi leur hébergement, leur restauration, la consommation de biens et de loisirs, etc. En outre, les émissions directes (ayant lieu sur le territoire français) sont complétées par les émissions indirectes, ayant lieu à l’étranger. Selon ses calculs, ce sont 118 MtCO2e qui ont été émises en 2018, soit l’équivalent des émissions cumulées des régions Île-de-France, PACA et Bretagne, et 11% des émissions GES du pays [3]UNWTO. World Tourism Barometer. 2021 mai..
La mobilité comme majeur contributeur aux émissions de GES des touristes
Le premier poste d’émissions de GES est celui de la mobilité (77% des émissions totales), dont 41% des émissions sont dues au transport aérien. La majorité des émissions de la mobilité proviennent de la mobilité origine-destination (les deux autres sources d’émissions liées à la mobilité étant le transport du touriste une fois sur place, ainsi que la construction des infrastructures de transport). Par conséquent, l’impact carbone des nuitées des touristes étrangers est quatre fois supérieur à celui des voyageurs internes − sept fois si on ne tient compte que du transport −, du fait des distances parcourues et des modes de transport utilisés (souvent l’avion). En effet, même si les séjours des touristes étrangers sont généralement plus longs, ceci ne suffit pas à compenser les émissions du transport. Les sources d’émissions suivantes sont les achats de biens touristiques (7%), l’hébergement (7%), suivies de la restauration (6%).
Il est intéressant de noter que l’hébergement non marchand (c’est-à-dire l’hébergement en résidence secondaire, ou chez des proches) contribue en majorité à ce poste d’émission (56%), et que la part des émissions dues à la construction des infrastructures soit 7.5 fois supérieure à celle des hébergements marchands (type hôtels). Ceci est dû à une faible mutualisation des infrastructures, ce qui entraîne un faible nombre de nuitées passées dans ces hébergements au regard de leur capacité.
Une intensité carbone par nuitée supérieure pour le tourisme professionnel
Alors que le tourisme professionnel ne compte que pour 9% des nuitées et journées touristiques, il représente 17% des émissions de GES du secteur en France. Ceci est dû au fait que les séjours professionnels soient plus courts en moyenne, ce qui augmente les émissions par nuitée. À cela s’ajoutent les émissions dues à l’usage des infrastructures de l’évènementiel d’affaires (telles que les salles de congrès, foires, salon, etc.). Les autres postes d’émissions − dont l’hébergement, la restauration, et l’achat de bien touristiques sont les plus importants− sont comparables avec celle des voyages pour motifs personnels.
Trois stratégies pour réduire les émissions de GES du tourisme
L’ADEME a identifié trois pistes de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme. La première piste est celle de la sobriété, dont le but est de réduire l’activité touristique notamment par le biais d’une réduction du nombre et des distances de déplacement. La seconde piste est celle de l’efficacité énergétique, qui consiste à réduire l’intensité énergétique des différentes activités impliquées dans le tourisme (transport, hébergement, consommation de biens, etc.). Enfin, la troisième piste est celle de la réduction de l’intensité carbone de l’énergie.
Ainsi, un tourisme durable serait basé sur des destinations plus proches (tourisme local) et accessibles en transports optimisés en matière d’efficacité énergétique − à travers des taux de remplissages élevés−, et alimentés par des énergies décarbonées. Il s’agirait également d’opter pour des hébergements plus petits, chauffés par des sources énergétiques décarbonées, et bien isolés. Pour ce faire, plusieurs actions sont possibles que ce soit au niveau de l’offre ou de la demande touristique. La promotion du tourisme de proximité en est un exemple, mais également l’évolution des préférences des touristes vers des destinations et des activités plus axées sur la nature, et donc des hébergements moins carbonés.
Pour le cas spécifique des voyages d’affaires, l’ADEME suggère d’intégrer des indicateurs basés sur les émissions de GES dus aux déplacements professionnels dans le reporting extrafinancier, de réduire le nombre d’excursions autorisées, voire de développer des solutions digitales permettant de remplacer les évènements et réunions physiques.